De nouvelles recherches pour mieux connaitre l’âge des loups en France

De nouvelles recherches pour mieux connaitre l’âge des loups en France

En France, le loup est en croissance populationnelle depuis son arrivée sur le territoire au début des années 1990. Depuis il a colonisé les principaux massifs montagneux de l’hexagone et poursuit son expansion. Cependant, les connaissances sur l’espèce, son comportement ou encore sa dynamique d’évolution restent encore limitées et nécessitent d’être développées aussi bien dans le cadre de sa gestion que celui de la recherche fondamentale.

Depuis plus de 30 ans, le Réseau Loup-Lynx, piloté par l’Office Français de la Biodiversité (OFB), permet de suivre l’évolution de la population (aire de répartition, démographie) du loup (et du lynx) en France. Mais nous n’avons encore que peu de données sur les caractéristiques individuelles des loups, notamment l’âge des individus, difficilement accessibles à partir des observations visuelles (sauf pour différencier des jeunes de l’année des adultes) ou par la génétique.

Cette mesure de l’âge d’un animal est pourtant essentielle. En effet, c’est un facteur important qui peut permettre de mieux comprendre la démographie et la dynamique spatiale d’une population mais également certains comportements (dispersion, attaques sur troupeau), qui peuvent être déterminants pour mieux appréhender la finalité des mesures de gestion.

Par ailleurs, nous connaissons mieux la morphologie crânienne et dentaire des chiens domestiques que celle des loups. Des études récentes ont notamment été menées par l’école vétérinaire ONIRIS Nantes et le Muséum National d’Histoire Naturelle (MNHN) sur les chiens domestiques. Celles-ci ont montré que, malgré une variabilité exceptionnelle de la forme des crânes, liée aux races, des relations fortes existent entre cette forme crânienne, les muscles masticateurs et la force de morsure. Cependant, n’ayant à l’époque pas de crânes de loups à disposition, ces recherches n’ont pas pu être étendues à la comparaison avec leur ancêtre sauvage. Ceci permettrait de préciser l’influence de la domestication sur les relations entre les formes crâniennes et musculaires et leur conséquences sur la fonction de mastication.

C’est dans ce cadre qu’a émergé le projet Morpho-Loup, copiloté par l’OFB et ONIRIS Nantes, et qui  a débuté en 2021. Ce programme de recherche s’appuit sur un matériel biologique unique au monde : les crânes de 145 loups français issus de différentes causes de mortalités (majoritairement collisions routières et des tirs dérogatoires ). Ce projet réunit divers partenaires : l’OFB, ONIRIS Nantes (École nationale vétérinaire, agroalimentaire et de l’alimentation de Nantes-Atlantique – Unité d’anatomie Comparée), le MNHN (Muséum National d’Histoires Naturelles), le laboratoire de la rage et de la faune sauvage de l’ANSES (l’Agence Nationale de SEcurité Sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) et le CETSO (le CEntre TomoScanner de l’Ouest) ; et donnera lieu à l’application de deux thèses vétérinaires.

Plusieurs objectifs sont attendus :

– Dans un premier temps ce projet va permettre l’étude comparative de 3 méthodes différentes d’estimation de l’âge des individus à partir de leurs dents : par l’observation de l’usure des dents, par la mesure de la cavité pulpaire (cavité interne de la dent, qui se comble avec l’âge), et par la lecture des lignes du cément dentaire (à peu près comme pour lire l’âge d’un arbre à partir des cernes de croissances). Cette dernière méthode servira de référence, puisqu’elle est déjà reconnue comme la plus fiable, mais également la plus coûteuse et compliquée à mettre en place.

Séquence 3D d’un crâne de loup établie à partir du passage au scanner et permettant la prise de mesures avec une grande précision. © Image – CETSO

– Le second objectif est l’étude de la morphologie crânienne du loup et de ses muscles masticateurs. Pour cela, chacun des dits muscles du crâne sera isolé lors d’une dissection puis mesuré. Les têtes quant à elles passeront dans un scanner médical, permettant ainsi la reconstruction d’une image en 3D des os et des dents, et de procéder à des mesures d’une très grande précision (séquence ci-dessus). Les premières observations ont déjà apporté des informations intéressantes, comme des différences visuelles entre les crânes de chiens (même de grandes races) et de loups, en particulier vis-à-vis de la taille de certaines dents, de l’implantation particulièrement profonde et forte des canines du loup, ainsi que sur la taille des muscles, plus développés chez le loup que chez certaines races de chiens présentant des crânes de forme voisine.

A la fin de ce programme, en 2022-2023, la totalité des crânes de loups fera l’objet d’une naturalisation et sera transférée au Centre de Conservation et d’Etudes des Collections du Musée des Confluences, à Lyon. Cela permettra la mise à disposition de cette collection unique pour de futures recherches scientifiques sur l’espèce, ainsi que pour la sensibilisation du public.

Y. Richard / OFB