Le Loup en Région Nouvelle-Aquitaine: Bilan de l'activité du réseau - Avril 2021

Le Loup en Région Nouvelle-Aquitaine: Bilan de l'activité du réseau - Avril 2021

1- LE LOUP EN FRANCE

Le Loup gris (Canis lupus) est une espèce protégée dont la population fait l’objet d’un suivi annuel depuis 1992, date de première confirmation de sa présence en France. L’Office Français de la Biodiversité (OFB) est responsable de l’organisation et la coordination de ce suivi, lequel s’appuie sur un ensemble de partenaires constituant le  réseau Loup-Lynx. L’estimation de la population de loup en France réalisée dans la cadre du bilan hivernal 2020/2021 compte près de 620 individus (entre 414 et 834) avec un taux de croissance annuel brut de 8% contre 9% l’année précédente. A la sortie de l’hiver 2020/2021, le territoire français comptait 125 « zones de présence dites permanentes » (ZPP) de l’espèce. S’il est bien avéré que la population de loup continue son expansion en France le « croissant du Loup » allant de la Lorraine à la Nouvelle-Aquitaine – celle-ci serait plus lente que les années précédentes sur le plan numérique. Par ailleurs, aucune meute n’est recensée à l’ouest du Rhône. 

Le Plan National d’Action Loup et activités d’élevage est dédié à l’accompagnement de l’impact du loup sur les troupeaux domestiques, au suivi et à la gestion de l’espèce.

2- UN RESEAU DE PRIMO-DETECTION DEPLOYE EN NOUVELLE-AQUITAINE

Au niveau régional, une veille de primo-détection est ainsi assurée par les services de l’OFB et ses nombreux partenaires depuis 2013 (année de formation des premiers agents en tant que correspondants du réseau, par anticipation à l’arrivée de l’espèce en région NA).

Au cours de la période de 2015-2017, le réseau Loup piloté et animé par l’Office Français de la Biodiversité, a collecté et expertisé plusieurs centaines d’indices de présence dont certains ont mis en évidence avec certitude une présence lupine occasionnelle dans cinq départements (Dordogne, Corrèze, Creuse, Charente-Maritime et Charente) et une présence permanente depuis 2018 en Pyrénées-Atlantiques. Pour mémoire, les trois qualifications possibles après analyse sont : retenu, non-retenu ou invérifiable. La région Nouvelle-Aquitaine est donc un territoire concerné par quelques identifications occasionnelles de loups depuis 2015 sur plusieurs de ses départements et une zone de présence permanente de ce grand prédateur terrestre dans la partie Béarnaise des Pyrénées-Atlantiques.

De plus, le positionnement géographique du territoire néo-aquitain vis-à-vis de la dynamique spatiale d’expansion du loup associé à une qualité de biotopes forestiers et giboyeux, placent la région sur le front de colonisation de l’espèce, ce qui a conduit l’OFB à déployer depuis trois ans, un processus de formation de « correspondants du réseau multi-partenarial Loup-Lynx », désormais constitué de 170 personnes opérationnelles sur les départements de la Corrèze, de la Haute-Vienne, la Dordogne et les Pyrénées-Atlantiques. Une session de formation spécifique pour l’habilitation « constats de dommages au bétail » a également été mise en place en 2019 au profit d’un nombre supplémentaire d’agents des Services départementaux de l’OFB de Nouvelle-Aquitaine. Au-delà des actions de renouvellement périodique dans les départements couverts par le réseau, il est prévu de renforcer sa couverture géographique au cours des années à venir, au profit des départements non dotés.

Session de formation des correspondants « Réseau loup/lynx » Dordogne 2019
Session de formation des correspondants « Réseau loup/lynx » Dordogne 2019 : reconnaissance des empreintes et pistes

Par ailleurs, des cellules de veille loup ont été mises en place par les Préfets en Haute-Vienne, Corrèze, Dordogne, Creuse et prochainement en Pyrénées-Atlantiques. Ces instances permettent de réunir périodiquement l’ensemble des acteurs concernés, de présenter les indices collectés et d’exposer les mesures prévues par le Plan National d’Action (PNA) « Loup et activités d’élevage » dédié à l’accompagnement de l’impact sur les troupeaux domestiques, au suivi et à la gestion de ce grand canidé sauvage.

On parle de dispersion quand des individus souvent sub-adultes quittent la meute en fin d’automne/début d’hiver et de colonisation au printemps. Ils peuvent parcourir plusieurs centaines de kilomètres avant de se fixer, et ceci en quelques jours. Le système de colonisation par « bonds » est caractéristique de l’espèce. Le nouveau territoire d’installation peut être séparé de la meute d’origine de plusieurs centaines de kilomètres, laissant des espaces vides qui peuvent éventuellement être colonisés par la suite. Ceci explique notamment certaines observations « éphémère » isolées, loin des zones de présence permanente connues, comme ce fut le cas en Dordogne, Charente-Maritime, Charente, Vienne, etc… Ces individus en phase de dispersion peuvent séjourner plusieurs mois dans un secteur avant de le quitter. La rapidité de déplacement et la discrétion de cet animal d’un point à un autre fait que l’espèce peut facilement passer inaperçue le long de son trajet de dispersion.

3- BILAN DES DONNEES COLLECTEES PAR LE RESEAU NEO-AQUITAIN

Au cours des années 2019 et 2020, ce sont 439 fiches indices qui ont été collectées sur le terrain et expertisées par la Direction régionale Nouvelle-Aquitaine de l’OFB (DRNA) en charge de l’animation régionale du Réseau multi-partenarial Loup/Lynx, bilan illustrant le dynamisme de ce réseau de détection. Pour ce faire, les agents de l’OFB appliquent une procédure standardisée au niveau national, de collecte d’indices sur le terrain par le biais de fiches techniques spécifiques à chaque type d’indice (observations visuelles, relevés d’éléments techniques sur bétail domestique, cadavre proies sauvages, empreintes, collecte et analyse de poils, fèces…).

Ces fiches sont centralisées et analysées ensuite de façon standardisée par l’animateur régional du réseau loup de la DRNA, en lien avec des spécialistes nationaux de l’OFB. Les méthodes d’exploitation des indices sont standardisées et éprouvées, notamment celles employées pour l’expertise des cadavres d’animaux domestiques qui ont été mises au point au cours de 6 années de travail avec des vétérinaires, et qui se traduisent par l’exploitation d’une grille d’analyse d’une soixantaine de critères.

Le diagramme ci-contre présente la répartition par type d’indice des 434 fiches collectées puis expertisées du 1er janvier 2019 au 31 décembre 2020.

L’exploitation des quelques 434 fiches collectées en 2019 et 2020 en Nouvelle-Aquitaine, a permis d’établir que certaines présentent assez de critères convergents pour détecter la présence du loup (fiches indices qualifiées de retenues)
Répartition par nature d’indice, des informations collectées sur le terrain par le Réseau loup (période 2019-2020)

La production d’une fiche ne signifie pas que l’information recueillie révèle la présence du loup. Seule l’expertise peut conduire à ce constat, si suffisamment d’éléments probants sont décrits ou collectés. Parfois la récurrence d’informations concordantes ou la production d’éléments tels que des images ou des indices biologiques sont nécessaires. Les demandes d’analyse sur les cas de découverte de bétail domestique mort ou blessé, représentent le premier poste avec 63% des signalements. Les témoignages d’observations visuelles (y compris vidéo et photos) de grands canidés totalisent 21% des fiches collectées et les empreintes et pistes relevées sur le terrain 6%.

Le Réseau loup a permis de collecter en Charente-Maritime (17) au mois de décembre 2019 puis en janvier 2020 en Charente (16), des observations visuelles très documentées qui témoignent dans les deux cas de la présence d’un animal en phase de dispersion se déplaçant seul. Toutefois cette présence très ponctuelle, parmi les plus occidentales documentées depuis le retour de l’espèce en France, n’a pas été suivie depuis par de nouvelles données de présence d’individus sauvages.

L’activité du réseau loup est intense sur les départements de l’ex-région Limousin (Corrèze-Creuse-Hte-Vienne), en Dordogne et Charente puisque ces cinq départements sont à l’origine de la collecte de presque 70% du nombre d’indices relevés sur les 12 départements de la région Nouvelle-Aquitaine. Pour autant, tous les services départementaux de l’OFB ont mis en place une surveillance active du territoire pour suivre l’arrivée possible à tout moment, d’individu en dispersion ou colonisation.

Au cours des années 2019 et 2020, les expertises réalisées par l’OFB sur les dépouilles d’animaux domestiques, ont exclu la responsabilité du loup dans la mort des animaux pour 11 des 12 départements de la région. Les expertises produites par le Réseau loup ont permis de révéler des dizaines de cas de prédations sur le bétail, mettant en cause des chiens en divagation et des cas de consommations post-mortem. 

Dans les Pyrénées-Atlantiques, les indices issus de la collecte de matériel biologique en août 2018, juillet 2019 et décembre 2020 ont révélés la présence en Béarn d’un même individu mâle d’origine italo-alpine. Au cours de l’hiver 2019-2020, plusieurs observations visuelles notamment par piège photographique, ont attesté une nouvelle fois de l’occupation de ce territoire par le loup. Cette récurrence d’indices retenus sur les deux hivers 2019/2020 a conduit à qualifier le Béarn de Zone de Présence Permanente (ZPP) « non meute ».

Tableau de synthèse des indices loups qualifiés de retenus au 30/04/2021 en Nouvelle-Aquitaine

4- ANTICIPER L’ARRIVEE DU LOUP EN NOUVELLE-AQUITAINE

Dans un contexte où l’élevage ovin et bovin représente l’un des socles de l’activité économique de nombreux territoires d’une région située sur le front de colonisation du loup et face à l’inquiétude des éleveurs et de la profession agricole, les préfets de la Corrèze, de la Creuse et de la Haute-Vienne ont décidé de lancer conjointement une étude de vulnérabilité des élevages de leur territoire au risque de prédation par le loup (https://draaf.nouvelle-aquitaine.agriculture.gouv.fr/Etude-vulnerabilite-des-elevages). Lancée en septembre 2019, l’étude s’est achevée en octobre 2020. Elle a été co-financée par la Direction Régionale de l’Alimentation, de l’Agriculture et de la Forêt (DRAAF) et le Conseil régional Nouvelle-Aquitaine. Cette étude a été confiée à l’IDELE[1] en association avec divers partenaires et a été suivie par un comité de pilotage composé de la DRAAF et de DREAL Nouvelle Aquitaine, du Conseil Régional Nouvelle Aquitaine, de la DRNA de l’OFB et des trois Directions départementales des territoires (DDT) de la Corrèze, Creuse et de la Haute-Vienne. L’étude a eu pour objectifs d’identifier les facteurs de vulnérabilité des principaux systèmes d’élevage des trois départements et de proposer des leviers d’actions, y compris des moyens de protection, afin de réduire le risque de prédation et de se préparer à la probable arrivée de l’espèce.

[1] Institut de l’élevage

Y de Beaulieu / OFB